Expédition 324 – Shatsky Rise Formation

Dates : 04.09.09 – 03.11.09
Plate-forme : Joides Resolution
Chefs de mission : Will Sager – Takashi Sano
Participants français :

  • Claire Carvallo, Paleomagnetist, IMPMC, Université Pierre et Marie Curie, Paris.
  • Adélie Delacour, Igneous Petrologist (alteration), Géosciences Marines, IPGP, Paris. (Situation actuelle: Laboratoire Magmas et Volcans, Université Jean Monnet, Saint-Etienne)

L’Expédition 324 avait pour objectif le forage d’un grand plateau basaltique (Shatsky Rise) afin de tester les hypothèses concernant la formation des grandes plateaux basaltiques océaniques (panache mantellique et/ou tectonique océanique). Les résultats obtenus permettront de mieux comprendre la relation entre la dynamique du manteau terrestre et la formation des grandes provinces volcaniques.

Page de l’expédition

Vous trouverez aussi des informations, photos et films sur le site du JOIDES Resolution

Compte-rendu de l’expédition (Claire Carvallo et Adélie Delacour) :

Expédition IODP 324 – « Shatsky Rise Formation »

L’expédition 324 a eu lieu en septembre-octobre 2009, sur le plateau océanique de Shatsky Rise. Menés par les co-chefs William Sager (Texas A&M University, College Station, Etats-Unis) et Takashi Sano (National Museum of Nature and Science, Tokyo, Japon), les scientifiques embarqués ont pour objectifs, grâce aux échantillons forés lors de cette campagne, de résoudre la question suivante : le plateau océanique résulte-t-il d’un panache volcanique, provenant du manteau inférieur, s’élevant jusqu’à la surface et causant de massives éruptions volcaniques, ou bien sa formation est-elle causée par la fusion du manteau supérieur au niveau d’une limite divergente de plaques ? En effet, un grand nombre de plateaux océaniques se sont formés près des dorsales océaniques et le volcanisme associé à ces plateaux est peu connu du au faible échantillonnage. Le plateau de Shatsky Rise, qui s’est formé sur un point triple pendant le Jurassique Inférieur et le Crétacé Supérieur, montre des caractéristiques de formation en accord avec chacune des deux hypothèses, panache mantellique et tectonique de rift. Son emplacement a débuté par la construction d’un énorme édifice volcanique (Tamu Massif), les volcans formés ultérieurement (Ori et Shirshov) étant beaucoup plus petits en taille (Figure 1).

Deux scientifiques françaises ont participé à cette expédition : Adélie Delacour, maître de conférence à l’Université Paul Sabatier de Toulouse, pétrologue et géochimiste spécialiste de l’altération de la croûte océanique, et Claire Carvallo, maître de conférence à l’Université Pierre et Marie Curie, paléomagnéticienne.

Cinq sites ont été forés lors de l’Expédition 324 (Figure 1), afin d’examiner les changements de composition chimique et de dynamisme éruptif en fonction de l’âge. Sur le Massif Tamu, le site U1347 a été foré jusqu’à 317 m sous le plancher océanique (dont 160 m de basalte). Le Site U1348 a permis de récupérer une section de 120 m de sédiments volcanoclastiques très altérés. Deux sites ont ensuite été forés sur le Massif Ori : le Site U1349, composé de 85.3 m de coulées volcaniques très altérées (profondeur : 250.4 mbsf), et le Site U1350, composé de 172.7 m de coulées volcaniques légèrement altérées (profondeur de 172.7 mbsf). Finalement, sur le Massif Shirshov, au nord, le Site U1346 a permis de récupérer 52.3 m de coulées volcaniques altérées (profondeur : 191.8 mbsf).

Plusieurs types de sédiments ont été identifiés au-dessus des sections volcaniques à pour chaque site, ce qui a permis de déterminer les conditions de sédimentation. En particulier, l’étude réalisée à bord par les sédimentologues et micropaléontologues a montré que certains sites étaient au niveau de la mer ou juste au-dessous lors de la mise en place des sédiments.

Les sections volcaniques sont quant à elles composées de laves en coussins, entre 0.2 et 1 m de diamètre, et de coulées massives pouvant atteindre jusqu’à 23 m d’épaisseur. Sur le Massif Tamu, les coulées massives dominent, alors que l’inverse se produit sur le Massif Shirshov, les laves en coussins prédominant. Au centre du plateau, sur le Massif Ori, la proportion de coulées massives semble intermédiaire. Il semble donc que l’éruption du Massif Tamu était particulièrement effusive. Trois des cinq sites de forages sont caractérisés par une altération hydrothermale importante (Site U1346, U1348, U1349), ce qui implique une circulation de fluides au sommet des édifices volcaniques. Par ailleurs, l’altération diffère d’un site à un autre et au sein même d’un site de forage, suggérant des conditions d’altération et des compositions de fluides variables latéralement et verticalement.

La recherche à terre de C. Carvallo concerne surtout la détermination de l’intensité du champ magnétique terrestre enregistré dans plusieurs des coulées des sites U1347, U1349 et U1350, en utilisant la méthode de Thellier. Sur la période Jurassique-Crétacé, très peu de données sont disponibles, et ces données sont contradictoires : alors qu’un certain nombre d’études avait montré que le champ magnétique était anormalement faible sur cette période (« Mesozoic Dipole Low »), des mesures récentes sur des laves d’Amérique du Sud ont montré au contraire que le champ avait une intensité comparable à son intensité actuelle. Les résultats préliminaires font apparaitre une grande variété dans la minéralogie magnétique, et très peu d’échantillons donnent un résultat fiable, ce qui est assez commun dans les mesures de paléointensités, surtout sur des roches aussi anciennes. Néanmoins, il semble que les valeurs de paléointensité enregistrées dans les basaltes de Shatsky seraient plutôt faibles et donc en accord avec l’hypothèse d’un faible champ au Mésozoïque.

En tant que recherche post-campagne, A. Delacour s’intéresse à mieux caractériser et quantifier, grâce à une étude pétrologique et géochimique, les processus et conditions d’altération résultant des interactions fluide-roche qui ont affecté, de manière différente, quatre des cinq sites du plateau océanique (Sites U1346, U1347, U1349 et U1350). La caractérisation pétrologique et géochimique de l’altération de la lithosphère océanique est essentielle pour mieux comprendre les transferts d’éléments et les interactions entre les grands réservoirs terrestres, et par conséquent, pour mieux contraindre les grands cycles géochimiques (e.g., S, C, Fe). Cependant, peu d’études se sont intéressés à l’étude de l’altération des plateaux basaltiques océaniques et ces bilans d’éléments restent donc, jusqu’à maintenant, mal contraints. Cette étude de l’altération hydrothermale à Shatsky Rise est basée sur un échantillonnage des basaltes des cinq sites, à intervalles réguliers et représentatifs.

Figure 1 : Carte de localisation des sites de forage du plateau océanique de Shatsky Rise (extrait de Expedition 324 Scientists (2009). Testing plume and plate models of ocean plateau formation at Shatsky Rise, northwest Pacific Ocean. IODP Prel. Rept., 324).

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